Une décision brutale, à la veille du chantier
Le 29 juillet, le président de l’association reçoit un appel du préfet de la Manche : les chantiers ne pourront débuter qu’à partir du 13 ou 15 août, et ce sous réserve. Motif invoqué : la présence d’une dizaine de juvéniles d’aigrette garzette et de cormorans pas encore capables de voler, identifiée par une mission de l’OFB (Office Français de la Biodiversité) – réalisée pour la première fois sur l’île quelques jours auparavant.
Des conséquences humaines, logistiques et financières majeures
Cette décision prise 3 jours avant le début des opérations met à mal une organisation préparée depuis 10 mois.
- Une quarantaine de bénévoles mobilisés pour les premières semaines voient leur participation annulée – avec des frais de transport et de séjour à rembourser ;
- Une partie des commandes de fournitures sont inutiles ou à annuler ; L’impact financier de cette suspension sera transmis à la préfecture.
- Le calendrier des travaux, validé avec l’architecte-conseil et les services de la DRAC Normandie, devient inapplicable ;
- Le retard sur les travaux de préservation des constructions de l’île ne pourra pas être compensé cette année.
Une mesure contestable et mal ciblée
L’argument écologique avancé par l’OFB est que la reproduction de certaines espèces serait « retardée ». Pourtant :
- La présence début août de quelques juvéniles encore immatures et souvent abandonnés est connue depuis 16 ans. Ils ne survivent généralement pas et cela n’a jamais ému l’administration, c’est le cycle de selection naturelle.
- L’OFB n’a pas proposé d’alternatives (zonage, accompagnement) alors que nous pratiquons déjà ce type de mesures et s’est contenté de prononcer une interdiction pure et simple.
- D’autres sites comparables, comme Tatihou, restent accessibles malgré la présence juvéniles de ces mêmes espèces début août.
Une instrumentalisation de la protection de la biodiversité ?
L’île, entièrement classée Monument Historique, figure parmi les sites du Débarquement candidats au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Or, sa préservation est entravée par :
- Une inaccessibilité prolongée, désormais étendue de fait par l’OFB ;
- Les dégradations dues à la surpopulation d’oiseaux ;
- Une forme de surenchère réglementaire à l’égard de l’association qui compromet la seule initiative de préservation des fortifications de l’île, puisque l’État ne réalise aucun travaux.
Cette situation intervient dans un contexte délicat : l’AILSM a proposé à l’État un projet d’acquisition associative de l’île, avec un plan de gestion intégré (patrimoine + biodiversité). Il a été évoqué pour la première fois en juin avec les services de l’État, (DIRM, DREAL) les départements et les acteurs locaux concernés dont le GONm. Une seconde étape de la démarche est prévue en septembre, et cette initiative de l’OFB ne préjuge pas du tout d’un climat de discussion favorable.
Ce projet gênerait-il certains acteurs publics qui, depuis plusieurs années, multiplient obstacles réglementaires et contentieux pour entraver l’action de l’association, pourtant légitime, reconnue et expérimentée ?
L’équilibre patrimoine/nature : une utopie en Normandie ?
La cohabitation entre patrimoine et biodiversité sur une île est possible ailleurs en France, nous avons documenté une dizaine de sites sur lesquels un équilibre a pu être trouvé. Pourquoi serait-elle impossible dans la Manche ? La réponse ne peut être que politique. L’Île du Large n’est pas une réserve ornithologique. Elle ne présente aucune espèce menacée et n’a jamais été sanctuarisée à ce titre, mais pour des raisons de sécurité.
Si la vocation de l’île de Terre est d’accueillir une réserve ornithologique, sur l’île du Large, le véritable enjeu est la préservation d’un chef-d’œuvre militaire unique dans toute la région. Notre projet repose sur une association citoyenne, forte de 900 adhérents, qui agit depuis 22 ans avec méthode, transparence et engagement et assume un ensemble de missions qui incombent normalement à l’État.
Et maintenant ?
Face à l’urgence de la situation, deux réunions ont été organisées en urgence : le conseil d’administration s’est réuni en visioconférence le mercredi 30 juillet pour analyser la situation et décider de la conduite à tenir, le lendemain, l’équipe logistique s’est réunie au local de Carentan et évaluer les conséquences de la décision préfectorale.
Un communiqué de presse a été transmis, divers échanges ont eu lieu avec la préfecture, notamment en vue d’organiser une livraison d’eau, sans accéder aux zones dans laquelle les juvéniles ont été observés, mais qui n’a pas été acceptée.
Une nouvelle visite de l’OFB aura lieu le 13 août, à laquelle nous participerons, elle décidera de la possibilité d’accéder – ou non- à l’île et de lancer des chantiers 2025, dans une version amputée de 3 semaines au mieux.
L’Assemblée Générale de l’association, le 23 août à Carentan, débattra de ces événements, de leur impact et des perspectives pour 2026.
L’AILSM réaffirme sa détermination à :
- Poursuivre le projet de prise en charge associative, dans l’intérêt général, à la fois patrimonial et environnemental.
- Refuser toute dérive de sanctuarisation injustifiée ;
- Défendre une vision équilibrée et participative de la gestion de l’île ;
En savoir plus
Autorisation d’accès temporaire au domaine public maritime, version initiale du 24 juillet 2025